Le XXème siècle se caractérise par l’accentuation de l’exode rural amorcé au siècle précédent et par une forte progression démographique, due notamment aux progrès de santé.
Il se caractérise également par une amélioration de la qualité des logements et une individualisation des foyers qui refusent les cohabitations familiales traditionnelles.
Pour répondre à cette demande massive d’un habitat digne, la production de logements s’est organisée, notamment en termes d’habitat collectif.
En Franche-Comté, comme partout en France, la construction de logements est un phénomène urbain, dans les périphéries des villes et les époques successives ont apporté des solutions différentes.
Les opérations groupées de maisons et d’immeubles étant les plus représentatives de la production du XXème siècle, il a été décidé de les traiter dans ce chapitre par ordre chronologique.
Cités ouvrières
Construites à partir du XIXème siècle, les cités ouvrières illustrent un volet important de l’habitat social et ouvrier en Franche-Comté. Elles se composent généralement de maisons jumelées ou indépendantes complétées de petits immeubles de quelques logements.
Elle deviennent cités-jardins lorsque la partie végétale et les espaces publics sont importants.
Illustr. Tavaux (39), cité ouvrière, quartier des maisons d'ouvriers
Elles sont généralement à l’initiative des patrons qui voient de nombreux avantages à fixer la population ouvrière à proximité des entreprises :
Illustr. Tavaux (39) et Damparis (39) : vues aériennes : les sites industriels proches des cités ouvrières |
La particularité de ces ensembles est d’illustrer parfaitement la hiérarchie des salariés dans la typologie du bâti et l’importance du logement. Les maisons sont regroupées par quartier : les ouvriers, les employés aux écritures, les agents de maitrise et les cadres, mais elles obéissent toutes à la règle de la mitoyenneté.
Illustr. Tavaux, types d'habitat dans la cité ouvrière : maisons d'ouvrier, d'ingénieur, de contremaître |
Voir aussi les cités ouvrières et cités jardins dans la partie L'habitat artisanal et ouvrier
La reconstruction
Le phénomène de la reconstruction a peu touché la Franche-Comté et a concerné les territoires ruraux proches des maquis touchés par des opérations de représailles. Le paysage bâti de ces villages est modifié par un modèle plus urbain : petits immeubles de ville et de maisons en bandes qui affichent des façades à la modernité tempérée de classicisme.
Les grands ensembles
Les Trente Glorieuses sont marquées en France par un développement spectaculaire de l’urbanisation, l’objectif étant de répondre à une demande massive de logements.
Illustr. Morez (39) et Saint-Claude (39), vues aériennes |
Ce sont les années qui voient se construire les cités périphériques, les grands ensembles, les quartiers résidentiels, les barres et les tours. La présence de pavillons individuels ou groupés en accession à la propriété ne modifie pas l’image de ces quartiers, marquée par une concentration de logements collectifs, à caractère social et locatif.
Des grands principes guident cet urbanisme :
Illustr. Morez (39), vue aérienne
Les grands ensembles résultent d’un choix politique et économique qui est une spécificité française.
Illustr. Dole (39), quartier des Mesnils Pasteur Novarina arch. centre commercial et logements |
La rationalisation de la construction permet cette construction massive et porte une image de modernité. Les constructions linéaires suivent le chemin de grue qui peut se développer sur des centaines de mètres. La répétition d’éléments standardisés permet le recours à la préfabrication, assurant la qualité de réalisation et la rapidité de la mise en œuvre.
Illustr. Dole (39), quartier des Mesnils Pasteur |
Le retour à l’urbain
A partir de 1975, une première critique de cette politique d’aménagement fait apparaitre des dysfonctionnements dus à l’éloignement des centres villes, la concentration de population, la médiocrité des espaces publics et collectifs… En réaction à la politique des grands ensembles, les politiques, architectes et urbanistes mènent une réflexion globale sociale et urbaine concernant le retour à la ville et la réduction de la taille des opérations. Le résultat est multiple :
Les constructions s’inscrivent dans un renouveau urbain qui revisite les notions d’îlots, de cours, de façade avant/arrière, d’intimité et de singularité en réaction à l’uniformisation des grands ensembles. Les aspirations de la vie moderne en termes de lumière, d’ensoleillement, d’espaces extérieurs privés sont prises en compte. Les logements sont notamment dotés de jardinets ou de vastes terrasses.
Illustr. Lons-le-Saunier (39), ilôt Regard |
Les projets s’inscrivent en milieu urbain et s’adaptent à des sites plus complexes (formes irrégulières, topographie, etc.) et plus difficiles d’accès. Cette situation oblige une réponse formelle spécifique qui permet peu le recours aux procédés de préfabrication et oblige à des solutions individuelles pour chaque projet.
Illustr. Lons-le-Saunier (39), ilôt Regard
Les cités ouvrières et les grands ensembles se caractérisent par une relation ténue avec la ville, en partie due à leur éloignement et à un principe d’aménagement suivant un plan d’ensemble.
Illustr. Tavaux (39), cité ouvrière : plan d'ensemble : Typologie habitat |
Une relation fragile avec la ville
Les cités sont proches des industries et les grands ensembles occupent des sites disponibles et libres de toute construction, généralement en périphérie.
Par ailleurs leur conception prévoit généralement un fonctionnement en autonomie, avec un accès unique (ou en nombre très limité si l’opération est importante). Les immeubles-porches illustrent parfaitement ce principe. Cette conception renforce l’isolement des quartiers et leur enclavement dans la structure urbaine.
Illustr. Dole (39), quartier des Mesnils Pasteur
Le plan d’aménagement
Les cités jardins constituent les modèles les plus aboutis des cités ouvrières. Leur plan de composition offre une mise en scène des espaces publics et des constructions en fonction de leur importance dans le quartier. Les aménagements paysagers sont multiples et les espaces plantés ponctuent le quartier ou accompagnent les bâtiments publics : école ou église… les plantations privées et publiques ainsi que les bâtiments occupent l’espace pour créer un paysage assez dense où le vide reste réduit.
Dans les quartiers les moins vastes, les rues sont rectilignes alors que dans les quartiers les plus étendus, les courbes bloquent les perspectives et réduisent visuellement l’espace.
Illustr. Tavaux (39), cité jardin, l'église Sainte-Anne, le centre social |
Les grands ensembles occupent de vastes sites où la composition est beaucoup plus lâche et obéit à des règles géométriques variables alternant droites et courbes : les immeubles constituent des fronts bâtis séparés d’immenses espaces libres, à vocation de parking ou de terrain de jeux. Vu la hauteur des bâtiments, ce sont leurs volumes qui marquent l’espace. Les espaces publics apparaissent comme des vides entre les constructions.
Illustr. Dole (39), quartier des Mesnils Pasteur |
Les immeubles les plus récents s’inscrivent dans un tissu urbain dont ils respectent les volumes et les principes de composition. Les façades sur rue sont plutôt sobres et accueillent les portes d’entrée, les façades sur cour sont plus vernaculaires et complexes, accueillant les espaces de vie plus intimes, les loggias et terrasses.
Illustr. Lons-le-Saunier (39), immeuble rue Regard, façade sur rue et façade sur cour |
Le style régionaliste est souvent mis en œuvre dans les cités ouvrières. Il affiche une image encore rurale et rassurante pour ses habitants, souvent issus des campagnes voisines, même si le style à pans de bois ou décors en brique est étranger à la plus grande partie de la Franche-Comté.
Illustr. Tavaux (39), cité ouvrière, maison de contremaître
Les assemblages des larges débords de toit, des consoles et pans de bois, les appareillages de pierres et/ou de briques, composent des façades idéalisées de pavillons. Des décorations peintes ou en céramiques complètent l’ornementation.
Illustr. ci-contre et ci-dessous : Champagnole (39),
maisons d'ouvriers et détails façades
La pierre est toujours apparente sur les façades des immeubles jusque dans les années 60. Elle apporte une impression de solidité aux bâtiments. Les façades respectent une composition alliant classicisme et modernité : un soubassement marqué, un étage supérieur en attique et une stricte superposition des percements révèlent une tradition « beaux-arts » animée par les balcons et modénatures qui relèvent d’une esthétique moderne.
Les porches d’entrée sont identifiés par un traitement particulier de pierres appareillées ou plus lisses.
Illustr. Lavans-les-Saint-Claude (39), maison patronale |
Illustr. Lons-le-Saunier (39), immeuble Gandillet, avenue du 44ème RI
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A partir des années 60/70, deux conceptions aux aspects très différents s’affrontent :
Illustr. Dole (39), immeuble quartier des Mesnils Pasteur
Illustr. Lons-le-Saunier (39), immeuble rue Regard
Certains éléments symboliques (porte), plastiques (cage d’escalier, terrasses) sont mis en scène dans les immeubles les plus récents. L’assemblage des matériaux apparents fait référence à des style plus anciens (panneaux de verre et bronze en référence aux immeubles art-déco, moulure et modénature classiques) ou répond à des usages précis (alternance de garde-coprs pleins ou vitrés selon les usages).
Illustr. Plancher-Bas (70), immeuble
La production de logements fait l’objet d’une normalisation intense au cours du XXème siècle, en termes de surfaces, de volumes, de confort et d’éclairement.
Les logements les plus anciens sont les plus petits, alors qu’ils abritent des familles souvent nombreuses Par contre, la hauteur des pièces est souvent proche de 3 m. Les pièces de vie et les chambres sont semblables et sur plan carré, une cuisine complète l’équipement, parfois une salle d’eau et une cave à charbon.
La hauteur normée de 2.50 m sous plafond apparait dans les immeubles à partir des années 60, période à laquelle les logements sont généralement conçus sur un niveau, avec une séparation claire entre les pièces de jour et celles de nuit. Tous les logements sont dotés d’un ou plusieurs sanitaires en fonction de leur surface.
Le balcon filant sur la façade de 1 m à 1.20 m de profondeur est l’unique espace extérieur contigu au logement.
Illustr. Lons-le-Saunier (39), immeuble Gandillet, détail balcon
Les logements les plus récents rompent avec cette uniformisation et proposent des qualités supplémentaires. Ils prennent des formes plus variées, se développant sur plusieurs niveaux en duplex ou triplex. Cette conception permet d’offrir une variété de volumes intérieurs : simples ou doubles hauteurs.
Ils sont également dotés d’espaces extérieurs assez vastes pour accueillir les activités familiales.
La recherche de lumière naturelle est constante dans l’histoire du logement.
Au début du siècle, elle est promue au même rang que la ventilation par les théories hygiénistes.
Tout au long du siècle, elle est traitée plutôt de manière quanti-tative, par un ratio d’éclairement en fonction de la surface de la pièce, quelle que soit l’orientation et l’usage des locaux. La
lumière arrive à profusion dans les logements, de façon uniforme.
Les vues étant plutôt orientées vers les espaces publics de l’ensemble, on peut surveiller les terrains de jeux, les entrées et sorties.
Illustr. Dole (39), quartier des Mesnils Pasteur
Illustr. Tavaux (39), cité ouvrière |
- | Lavans-les-Saint-Claude (39) |
Les vues lointaines vers le paysage ou la ville sont exceptionnelles.
La construction des maisons ouvrières ne nécessite pas de performance technique et utilise les techniques traditionnelles : maçonnerie en pierres ou en briques, planchers et charpentes en bois, couvertures en tuiles.
Illustr. Champagnole (39), rue de la Liberté - Tavaux (39), cité ouvrière - Lons-le-Saunier (39), rue Abbé Lemire |
Le béton fait son apparition après-guerre, notamment au niveau des planchers des immeubles.
Le processus industriel et la rationalisation se généralisent à partir des années 60. Les structures poteaux/poutres tramées remplacent les murs porteurs, et permettent d’accrocher des panneaux préfabriqués en façades. Le béton est mis en œuvre dans l’ensemble de la construction : murs et planchers, les toitures terrasses se généralisent. Les balcons constituent le seul relief en façade.
Un courant high-tech apparait dans les années 70 avec des panneaux de façades en matériau métallique ou composite.
Les contraintes des projets obligent à des solutions techniques appropriées parmi lesquelles on trouve la mise en œuvre sur place du béton ou des parpaings de béton.
Illustr. Dole (39), immeuble détail façade, quartier des Mesnils Pasteur
La préfabrication et l'innovation ont été considérées comme des réponses à la production massive à qualité constante. |
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Illustr. Ardon (39), maison métallique produite par l'usine Fillod à Saint-Amour |
Illustr. Dole (39), quartier des Mesnils Pasteur
Illustr. Tavaux (39) : un ravalement de façade (photo 2) qui individualise le logement au détriment de la composition d'ensemble |
Illustr. Tavaux (39), cité ouvrière : photo 1, clôture d'origine - la transformation des clôtures (photo 2) modifie l'alignement de la rue |
Illustr. de gauche : Salins-les-Bains (39), maison jumelée, façade arrière | ||
Illustr. Champagnole (39), maison jumelée, façade sur rue |
Dans ces deux exemples, les façades au premier plan sont conservées à l'identique, seules les façades à l'arrière-plan et les entrées sont individualisées, favorisant la composition d'ensemble.
En 1927, alors que débute la construction de l’usine, la société Solvay engage parallèlement la réalisation de logements destinés aux ouvriers qui y travailleront. Deux quartiers voient le jour à Damparis, à proximité de la carrière, puis à Tavaux, face à l’entrée principale de l’usine. Pour leur construction, l’entreprise fait appel à un architecte réputé, M. Cozak, qui applique l’idée des « cités-jardins » telle qu’elle a été définie par l’anglais Ebenezer Howard.
Le concept avait vu le jour à la fin du XVIIIe à Arc-et-Senans, puis évolué au cours du siècle suivant, en Angleterre et en Belgique notamment. En France, les cités-jardins de Mulhouse datent de 1852. Celles de Tavaux et Damparis sont pratiquement les dernières.
Voir aussi La cité jardin dans le dossier L'Habitat artisanal et ouvrier avant le XXe siècle
Un dossier pédagogique a été élaboré par le CAUE du Jura en 2005 pour des classes du Lycée professionnel du Bâtiment, Lycée Le-Corbusier à Lons le Saunier.
Genèse du quartier des Mesnil Pasteur
La ZUP des Mesnils Pasteur est une zone à urbaniser en priorité. C’est un quartier du type « grands ensembles » débuté en 1962 et terminé en 1978. Il est conçu par l’architecte Novarina. La Zup de Dole abrite près de 2000 logements. Le quartier des Mesnils Pasteur ne se fait pas en une seule fois. Les grandes tours sont réduites, les espaces verts sont peu à peu agrandis au fils des travaux, les grands ensembles sportifs ne seront jamais construits.
L'architecte Pierre Clément, nommé par la ville de Dole, J.-P. Bessière et Igor Ivanov sont architectes d'opération avec Maurice Novarina. L'architecte Pierre Mognol du cabinet Ivanov et Jacques Christin de l'atelier Novarina interviennent également sur ce dossier. La société d'études de constructions et de travaux (SECTRA) est le bureau d'études techniques mandaté pour ce projet.
Label ACR 2004 pour le Centre commercial et les logements collectifs 1967-1968.
Immeuble collectif de René Gandillet architecte - Lons le Saunier