Cette typologie se caractérise par une dissociation complète des volumes d’habitation et d’exploitation. Elle illustre l’aisance des agriculteurs à une certaine époque, aisance apparue dès les romains avec une production céréalière riche.
On rencontre ce modèle particulièrement dans le Jura au niveau du Val d’Amour, du Finage et de la Bresse.
Il existe plusieurs typologies d’implantation du bâti, autant représentées les unes que les autres :
- L’habitation et les bâtiments agricoles sont parallèles et implantés perpendiculairement à la rue. Dans le Jura, cette typologie est la plus fréquente dans le Val d’Amour.
IIllustration 1. Illustration 2.
- L’habitation et les bâtiments agricoles sont parallèles et implantés parallèlement à la rue. La maison est sur rue et présente des caractéristiques similaires à une maison bourgeoise. Les travées agricoles sont en second plan.
Illustration 3. Illustration 4.
- L’habitation et plusieurs bâtiments agricoles s’articulent autour d’une cour. La maison est sur rue.
Illustration 5. Illustration 6.
- L’habitation et plusieurs bâtiments agricoles s’articulent autour d’une cour. La maison est implantée à l’arrière de la parcelle.
Illustration 7. Illustration 8.
Illustration 9.
La maison d’habitation
Elle est principalement de deux types :
- un volume du type des fermes blocs à trois travées : un rez-de-chaussée et une toiture à croupes ou demi-croupes. Elle se distingue de la ferme par l’absence d’ouvertures « agricoles ».
Illustration 14.
- un volume de type maison bourgeoise : un rez-de-chaussée + un niveau surmontés d’une toiture à 4 pans. Les façades peuvent être simple ou présenter une symétrie permettant d’affirmer un statut social.
Illustration 15.
Le ou les bâtiments agricoles
Ils présentent des caractéristiques identiques aux fermes à trois travées, ces caractéristiques pouvant présenter des spécificités en fonction de l’unité paysagère dans laquelle ils sont implantés.
Généralement formés d’un seul niveau, le rez-de-chaussée peut être surmonté d’un niveau de grange supplémentaire dans le cas de grosses exploitations.
Illustrations 16, 17. Bâtiments agricoles sur un niveau
Illustration 18. Bâtiment agricole sur 2 niveaux
Toutes les fermes de polyculture ont été construites à une époque où l'on se procurait les matériaux au plus près de chez soi.
Les matériaux de construction
Ils sont de quatre types :
- des pierres, matériau de construction traditionnel dominant en Franche-Comté, issues des carrières les plus proches ou de l'épierrage des champs pour la structure porteuse de la maison, c'est-à-dire des murs épais, tels que les façades et les murs de refend, destinés à porter les planchers et la toiture.
Ces pierres sont grossièrement taillées (l'équarrissage se fait au marteau) afin d'être posées en lits successifs et parallèles. Elles sont appelées moellons.
Assemblées au mortier de chaux, de manière plus ou moins horizontale, elles créent ainsi des joints incertains. La solidité du mur est assurée par les boutisses, qui sont des pierres traversantes. La surface de ce parement est bosselée, irrégulière et poreuse.
Illustration 19. Moellons
- des pans de bois, ou colombages, qui ne sont pas un décor, mais ont une véritable fonction structurelle. Il s'agit de l'ossature de la maison, un squelette de bois où chaque pièce a son utilité dans la stabilité de l'ouvrage. La plupart du temps, le chêne est utilisé. La construction se caractérise principalement par la sole, qui est une poutre d'un seul tenant, posée à même le sol (les premières maisons bressanes n'ont pas de soubassement, par la suite il sera en briques ou en pierres), et qui constitue la base de la structure. C'est cette pièce de bois qui détermine la longueur maximale de la maison. Insécable, il faut alors l'enjamber pour passer l'entrée. Néanmoins, cette structure "flottante" possède l'avantage d'être démontable, et ceci grâce aux assemblages en tenons et mortaises.
Illustration 20. Pans de bois
- des briques disposées en lits horizontaux - des tuiles disposées en lits horizontaux
Illustration 21. Illustration 22.
Plusieurs matériaux peuvent également être mélangés.
Illustration 23.
Les linteaux
Les parties destinées à supporter des efforts sont réalisées :
- en pierre de taille, qui est non gélive : encadrements d’ouvertures, voûtes et parfois pierres d’angle. Ces éléments sont des signes apparents de la richesse des propriétaires. Cette pierre est choisie, taillée et sciée en carrière. Chaque bloc est prévu pour être monté à un endroit précis, déterminé à l’avance par un dessin appelé « calepin d’appareil ». La pierre de taille est posée à joints vifs, sans mortier. On trouve sur une même pierre un double traitement : un bouchardage fin pour les parties destinées à rester apparentes (environ 20cm), et grossier pour celles destinées à être couvertes par l’enduit Le bouchardage grossier permet à l'enduit de mieux adhérer au moellon. La quantité de pierre de taille sur une façade est un signe apparent de richesse.
Illustration 24.
- en bois, par souci d’économie ou par manque de matériaux à proximité
Illustration 25.
Quel que soit le matériau utilisé, il est toujours nécessaire de le protéger par un enduit à la chaux des différentes agressions climatiques : pluies, vents, gel, chocs thermiques ..., tout en permettant les échanges thermiques
Pour respecter l'équilibre hydrique de l'ensemble, l'enduit de façade est à base de chaux, qui protège à l'extérieur et permet au mur d'évacuer l'humidité.
Illustration 26.
La ferme dissociée présente des ouvertures identiques à celle de la ferme à trois travées de volume simple. Les corps de bâtiment se caractérisent alors en façade par leurs ouvertures, que sont la porte de grange, la porte et les fenêtres de l'habitation, la porte et la fenêtre de l'écurie.
Illustration 29.
Dans cette typologie, les baies d'habitation sont généralement plus nombreuses que dans la ferme traditionnelle, et contrairement à cette dernière, le pignon est très souvent percé.
La porte d’entrée à l’habitation est généralement pleine. Elle est peinte ou en bois apparent lorsqu’elle est en bois "noble" (chêne, châtaigner, etc.).
Les fenêtres sont composées de deux vantaux ouvrants à la française, chacun découpés en trois carreaux égaux. Les volets ont été ajoutés au début du 20ème siècle pour clore les ouvertures. Ils sont en bois peint et à persienne. Dans le Jura, les menuiseries sont traditionnellement peintes ; ce sont elles qui amènent les points de couleurs sur les façades.
Illustration 30.
La porte d'écurie est celle qui a les dimensions les plus modestes. Elle peut être simple (environ 0,8 m de large x 1,8 m) ou double à deux battants (environ 1,5 m x 1,8 m). Elle est souvent accompagnée d’une petite fenêtre qui éclaire et ventile l’écurie, c'est le fenestron. Le linteau de cette porte est en pierre de taille ou en bois, droit et peut être partagé avec celui du fenestron : la pierre à jumeau, les linteaux de la porte et de la fenêtre étant soutenus par un seul jambage en pierre. La porte est posée en feuillure sur le mur.
Illustration 31 (photo de gauche). Porte d'écurie et ses fenestrons
Illustration 32 (photo de droite). Pierre à jurmeaux
La porte de grange, percement majeur de la façade (environ 3 m de large pour 3,5 m de haut), est l’élément d’identification de la maison de polyculture. Elle peut être arquée, en anse à panier ou en plein cintre, ou droite. La porte est posée en fond de maçonnerie, laissant apparaître l’épaisseur du mur. La porte la plus courante se décompose en trois éléments : deux battants hauts et une porte d’entrée qui peut être divisée en deux éléments permettant d’ouvrir la partie haute pour aérer.
Il est possible de rencontrer des portes de grange à linteau droit, en pierre ou en bois.
Illustrations 33, 34. Porte de grange en anse de panier, à gauche. Linteau droit en bois, à droite.
On trouve des ouvertures marquant la fonction de stockage du fourrage à l’étage ou dans les combles : il peut s'agir soit d'une porte, soit d'une fenêtre. Dans les régions où le linteau de la grange est droit, il arrive souvent que cette pièce soit également l'assise de la fenêtre ou de la porte au-dessus. Cela s'applique à des linteaux en bois comme en pierre.
Illustration 35. Ouverture à l'étage pour le stockage du fourrage
Il n'est pas rare non plus de trouver des oculus sur les façades. Ils sont ronds, ovales ou rectangulaires, et éclairent les parties agricoles. Le volume d'habitation, peut également en présenter au niveau de l'escalier, ou des combles pour ventiler les greniers.
Illustration 36.
L’enduit traditionnel est composé de trois couches : le gobetis, qui est une couche d'accrochage, la plus épaisse, puis le corps d'enduit, qui est un peu moins grossier, enfin la couche de finition. Pour des économies de moyen, seule la façade sur rue, celle de représentation, pouvait être couverte d’un enduit, les autres façades étant couvertes par un simple gobetis qui protège la pierre sans rechercher l'esthétique.
Au-delà de la protection, l’enduit a également une fonction esthétique, donnant à la façade un aspect soigné et coloré qui met en valeur les éléments en pierre de taille, et une fonction identitaire, sa coloration étant donnée autrefois par les sables issus des carrières les plus proches. Lorsqu'il n'y avait pas assez de sables, ou que ceux-ci n'avaient pas une texture suffisamment granuleuse, on pilait des tuiles, donnant ainsi à la façade une couleur très rouge. Ces couleurs, qui pouvaient donc varier d’un lieu à un autre, constituent l'une des caractéristiques d’une région naturelle, et personnalisent la maison.
Les enduits sont tirés à la règle et présentent une finition de type gratté fin, avec un tracé droit autour des baies.
Le point sur les enduits à la chaux
Illustration 37. Détail mur enduit
Les parties réalisées en pierre de taille et laissées visibles sont des signes apparents de la richesse des propriétaires.
Pour des économies de moyens, les encadrements d’ouvertures pouvaient être réalisés en bois ou en briques, et les chaînages d’angle en pierre grossière. Un trompe-l’œil en badigeon dessiné sur l’enduit permettait alors de retrouver les codes de la maison bourgeoise.
Illustration 38.
Les menuiseries sont traditionnellement peintes et constituent la palette d’accompagnement. Leurs couleurs créent l’animation de la rue et donnent sa personnalité à la façade. Les pigments sont obtenus à partir des éléments disponibles : sang de bœuf, suie de cheminée, sulfate de cuivre… Seuls les bois nobles des portes d’entrée (châtaignier, chêne…) restent apparents.
Illustration 39.
Les travées agricoles sont couvertes par une toiture de type long pan, parfois avec croupe ou demi-croupe qui présente généralement une forte pente : 70 à 100 %, soit 35 à 45°. La toiture en croupe ou en demi-croupe est favorisée dans les régions où la bise souffle pour éviter des décollements de toitures.
L’habitation présente deux grands types de toitures :
- une toiture à deux pans
Illustration 27.
- un toit à quatre pans
Illustration 28.
Le matériau de couverture est aujourd’hui la tuile qui, avant la révolution industrielle, était fabriquée localement à proximité des gisements d'argile.
Il n'est pas rare de trouver des épis de faîtage, éléments en terre cuite ou en tôle galvanisée posés sur le faîtage, souvent à la noue d'une croupe.
Tout comme la ferme de polyculture, on note dans tous les cas la présence d’une cour agricole qui peut se situer sur rue, en second plan ou entre les corps de bâtiments.
Un jardin vivrier et un verger peuvent compléter ces espaces extérieurs. Le puits, en Bresse, seul point d'eau possible, est quasi systématique.
Illustrations 10, 11. Cours agricoles. Puits à droite
Outre le ou les bâtiments abritant les fonctions de base de la ferme de polyculture, grange, grenier et écurie, la ferme dissociée présente fréquemment une soue à cochons totalement indépendante.
Illustration 12. Soue à cochons (au milieu)
L’accès à la cour agricole devant être aisé, la présence de clôture sur rue est rare.
Lorsqu’elle existe elle se présente sous la forme d’un mur haut en pierres, en briques ou en tuiles, ou d’un soutènement en pierre surmonté d’une grille.
Illustration 13. Mur clôturant la cour agricole
Au fil du temps, certains propriétaires ont clôturé les espaces extérieurs hors cours, de façon à préserver une intimité.
Afin d’éviter l’accès des bêtes au jardin vivrier, la cour agricole peut être fermée par une simple clôture formée de piquets et de fils.
Les sous-face de toiture peuvent être accompagnées d’une modénature en briques.
Illustrations 40, 41, 42.
Les fermes blocs avec des bâtiments agricoles supplémentaires peuvent être qualifiées de « fermes dissociées ».
Illustration 43.